Jean-Philippe Salducci, Capitaine, pilote et Président du syndicat des pilotes de Marseille et du golfe de Fos a supervisé la création d’un simulateur de manœuvre pour La Ciotat Shipyards et son futur ascenseur 4300t. Les équipes de pilotes de Marseille-Fos seront en effet chargées de sécuriser et d’optimiser l’entrée des yachts et méga-yachts sur le quai de la future plateforme.
Interview passionnante de Jean-Philippe Salducci.
LCS : Quelle est la mission du service de pilotage ?
Notre mission consiste à guider les capitaines de navire dans leurs manœuvres d’approche du port, que ce soit à l’entrée ou à la sortie. Nous assurons également une mission de sécurité et de sauvegarde de la vie humaine en mer, des infrastructures portuaires et de leur environnement, du navire et de son équipage et ce quelle que soit la météo ! C’est une mission de service public qui fonctionne sans ressource de l’Etat, les recettes étant générées par les navires servis par les pilotes.
Notre métier nécessite sang-froid, expertise et un très bon contact humain pour mettre en confiance les capitaines. Les pilotes sont tous capitaines et ont navigué pendant au moins 10 ans, de passer un concours très sélectif (seulement 320 pilotes en France et Outre mer). Nous sommes habilités pour travailler sur les sites de Fos, Marseille, La Ciotat, Nice, Cannes et Villefranche.
LCS : Sur quels types de mission intervenez-vous à La Ciotat ?
Sur le site de La Ciotat Shipyards, comme sur tous les autres sites, il existe un seuil d’obligation de pilotage particulier. Il est fixé à 70m sur La Ciotat, c’est-à-dire que les navires d’une longueur supérieure à 70m doivent obligatoirement faire appel à des pilotes, que ce soit pour une opération de mouillage à l’extérieur du port, d’entrée ou de sortie du port, mais aussi de changement de quai, de mise à quai sur la grande forme ou sur la future plateforme 4300t.
LCS : Comment en êtes-vous venu à travailler sur le projet de l’ascenseur à bateaux 4300t ?
M. Rolland, directeur du projet 4300t nous a sollicité et nous a présenté 2 configurations de quais pour l’ascenseur. Nous avons donné notre avis et émis nos recommandations afin d’obtenir la plus grande accessibilités en termes de place pour la manœuvre et de taille de navire. C’est ensuite le bureau d’étude qui a jugé.
LCS : Comment a été créé le simulateur pour le port de La Ciotat ?
Le simulateur du port de La Ciotat est une extension du simulateur que nous utilisons pour Marseille, Fos, et tous les autres ports sur lesquels nous travaillons. Nous avons fait une série de 20 000 photos de l’ensemble de la zone du port de La Ciotat, qui ont été compilées et modélisées dans un décor cartographique. Nous avons bien sûr ajouté le tirant d’eau et la profondeur, bref, tout ce qui se passe sous l’eau et que l’on ne voit pas.
L’intérêt de ce simulateur de manœuvre et non de navigation, est qu’il permet de prendre également en compte les bosses de fond, les zones abritées du vent, les courants… On peut aussi bien travailler une arrivée dans le port que simuler des manœuvres d’urgence ou des situations dégradées. Cela permet également de visionner la trajectoire ou de développer du “Green handling” c’est à dire manœuvrer en utilisant le moins de puissance possible et donc diminuer l’impact environnemental.
LCS : Quelles sont les caractéristiques du port de La Ciotat ?
Le port de la Ciotat est d’abord contraint en termes d’espace. Il y a plusieurs contraintes car plusieurs bassins, plusieurs types et tailles de navires. Par contre, il est très bien exposé au niveau du vent. Il est situé dans une zone très protégée de la baie de La Ciotat, dans un abri naturel. Par ailleurs, les navires sont de plus en plus performants, de plus en plus manœuvrants, et avec l’expérience des pilotes et la technicité qui augmente, l’avenir de La Ciotat est garanti !
LCS : Y a-t-il également des caractéristiques propres aux yachts qui viennent en refit aux chantiers navals de La Ciotat ?
Les yachts sont des navires très particuliers. Ils sont d’une part très fragiles et coûtent très cher, ils ont aussides peintures de coque qu’il ne faut pas abimer. D’autre part, ce sont des navires très techniques, les solutions de manœuvre sont très performantes. Ils ont des hélices transversales à l’avant, d’autres en ont aussi à l’arrière et les machines sont très puissantes.
LCS : Du point de vue des pilotes, comment appréhendez-vous un tel projet ?
La mission du pilote consiste à aider le capitaine et les opérateurs du port. Quand un projet comme le 4300t se développe, nous sommes des facilitateurs, en aucun cas une institution qui fait blocage. Bien au contraire, nous trouvons des solutions et apportons des améliorations. Nous avons été en contact avec La Ciotat Shipyards pour trouver les aménagements possibles et réalisables pour faire entrer au port des navires de plus en plus grands. Notre objectif est de parvenir à faire rentrer tous les bateaux dans le port, et les mener de manière sécurisée à leur quai d’accueil.
LCS : En tant qu’expert du milieu maritime, quel regard portez-vous sur le port de La Ciotat ?
Nos pilotes ont la charge des ports situés dans les Alpes Maritimes, soit Nice, Cannes, Villefranche, où une grosse partie de la flotte de yachts est concentrée. Nous avons donc une bonne connaissance du secteur, des navires et des capitaines. Sur notre région, se trouve à peu près 90% de la flotte mondiale du yachting et des méga-yachts en particulier. Le site de La Ciotat est pour nous un phare de haute technologie car il accueille de très belles entreprises. Les capitaines nous en parlent régulièrement. La ville est extrêmement bien située, proche de Marseille, de l’aéroport de Marignane. Les infrastructures existantes ont été transformées et nous sommes arrivés à obtenir un outil industriel qui est l’un des plus beaux de Méditerranée. Je crois donc qu’il n’y a pas de question à se poser sur l’avenir de La Ciotat Shipyards !