Les chantiers navals de La Ciotat occupent une place à part dans l’histoire sociale et industrielle de la France. C’est à ce titre que le site fait l’objet d’une attention particulière des services du Ministère de la Culture. Rencontre avec Hélène Corset, Architecte des Bâtiments de France.
LCS : Qu’est ce qui fait selon vous des chantiers naval un site patrimonial remarquable ?
Hélène Corset : Votre question conduit à interroger la notion même de « patrimoine », qui a sensiblement évolué dans la période récente. Initialement, elle renvoyait à une notion figée dans un passé plus ou moins lointain, et qui concernait principalement des œuvres artistiques originales, ou, dans le secteur de l’architecture, des bâtiments conçus pour marquer l’histoire (palais, cathédrales). Progressivement, on y a intégré des édifices fonctionnels remarquables du XIXe siècle, puis du XXe siècle, dans une approche plus dynamique : l’architecture d’aujourd’hui est en effet le patrimoine de demain ! Dans cette optique, les sites industriels revêtent une importance particulière, car ils jouent un rôle important dans l’histoire sociale et industrielle de notre pays, et participent même à l’identité d’un territoire, comme c’est à l’évidence le cas à La Ciotat. Par rapport à d’autres anciens sites industriels, les chantiers de La Ciotat ont su conserver leur vocation et demeurent en activité, ce qui est le meilleur gage de leur conservation.
LCS : Y a-t-il une particularité du site de La Ciotat ?
HC : La Ciotat se caractérise selon moi par une dimension « spectaculaire » et constitue à cet égard une des communes les plus exceptionnelles du département. Cette dimension se retrouve aussi bien dans le paysage naturel, semblable à un « décor », et dans le paysage urbain. Le Bec de l’Aigle, l’Ile verte, les calanques, le Chantier Naval et son grand portique, le bâti ancien de la vieille ville et l’omniprésence de la mer se combinent et s’entremêlent dans une alchimie incroyable.
LCS : Quel regard portez-vous sur les perspectives d’aménagement à venir ?
HC : Toute réflexion sérieuse sur la conservation d’un patrimoine industriel doit concilier préservation de certains éléments architecturaux remarquables ou emblématiques, et préservation de l’activité économique qui est la raison d’être du patrimoine concerné. Un chantier naval n’est pas un musée ! Je suis convaincue qu’avec un minimum de bonne volonté et d’inventivité, cette démarche peut s’avérer gagnante pour tout le monde et même générer un cercle vertueux : D’une part, la valorisation d’une architecture patrimoniale participe à l’image de marque du site et, d’autre part, le maintien d’une activité économique est la meilleure garantie de l’entretien du patrimoine. La rénovation de la rotonde PLM à Marseille en est selon moi un très bon exemple.
Les chantiers navals de La Ciotat, compte tenu de leur histoire et de leur environnement induisent une exigence d’excellence à tous les niveaux. Il faut que les projets d’aménagement soient à la hauteur !