Le Président de La Ciotat Shipyards et Maire de la Ville de La Ciotat, Monsieur Patrick Boré a pris la tête de la mobilisation contre la réforme de l’ENIM. Retour sur une année agitée.
La Ciotat Shipyard : Monsieur Boré, pouvez-vous nous expliquer cette réforme de l’ENIM, et surtout, les conséquences de cette réforme ?
Patrick Boré : En juillet 2017, une règle administrative est entrée en vigueur, obligeant les marins employés sur un navire battant pavillon étranger et résidant en France pour plus de 3 mois à être affiliés à l’ENIM, le régime spécial de la sécurité sociale des marins. Ce texte à visée très large était totalement inadapté à notre métier spécifique, le refit de grands yachts, pour au moins deux raisons : D’abord, les marins des yachts sont loin d’être des « damnés de la terre ». Leurs salaires confortables et le fait qu’ils soient déjà affiliés à des assurances privées en vertu d’accords internationaux permet d’écarter tout risque de les voir demander le bénéfice de la couverture maladie universelle au bout de 3 mois. Ensuite, beaucoup des marins qui accompagnent un yacht pour un chantier de refit ont leurs attaches à l’étranger et n’ont nullement vocation à résider de manière stable en France. Malheureusement, nous avons pu mesurer à quel point notre secteur était très peu connu, malgré son énorme potentiel. Dans la pratique, ces règles heurtaient de plein fouet la stratégie de développement des chantiers de La Ciotat, en impactant majoritairement les grands navires, dont les équipages comptent plusieurs dizaines de personnes, et les projets plus longs, qui sont ceux qui créent le plus d’emplois. Forcer ces équipages à s’affilier à l’ENIM renchérissait le coût des escales dans nos chantiers de manière importante, et plombait donc notre compétitivité. La conséquence a été immédiate : une diminution de l’ordre de 20% de nos commandes, une perte importante pour La Ciotat Shipyards et les opérateurs présents sur le site, qui a largement profité à nos concurrents européens. Nous avons donc tiré la sonnette d’alarme car il n’était pas question de voir nos chantiers dépérir une nouvelle fois !
LCS : Comment êtes-vous parvenu à faire réformer cette disposition administrative ?
P.B. : Tout d’abord, je n’étais pas seul ! J’ai travaillé de concert avec un allié de poids, le Président de la Fédération des Industries Nautiques (F.I.N.), Yves Lyon-Caen. Nous avons d’abord emprunté les voies officielles pour rentrer en contact avec le Ministère de l’Économie et des Finances, puis avec le Ministère chargé des Transports. Nos démarches sont malheureusement restées bloquées au niveau administratif. J’ai alors joué de mon poids et de ma légitimité d’élu local pour obtenir directement un rendez-vous avec le cabinet du 1er ministre, Monsieur Édouard Philippe. A partir de là, tout a changé. Nous avons pu exposer sereinement notre problématique et obtenu une grande écoute de la part des membres du Cabinet, qui ont su comprendre les spécificités de notre métier et les conséquences pour l’activité en France. Très rapidement, la disposition a été réformée dans notre sens, à savoir que les marins étrangers qui accompagnent leur navire pour un refit dans un chantier naval sont exemptés d’affiliation à l’ENIM quelle que soit la durée de leur séjour.
LCS : Comment envisagez-vous désormais l’avenir du Chantier Naval de La Ciotat Shipyards ?
P.B. : La réindustrialisation du chantier naval de La Ciotat Shipyards fait l’objet d’un consensus humain, sociétal et politique exceptionnel. Depuis plus de vingt ans, les collectivités publiques de tous bords se sont mobilisées aux côtés des anciens des chantiers et des acteurs privés pour développer ce site industriel, qui a été préservé in extremis grâce à une lutte courageuse que nous n’oublions pas. La réforme de cette disposition de l’ENIM va nous permettre maintenant de travailler plus sereinement sur notre objectif : devenir le leader mondial du refit de Méga yachts. Nous sommes confiants car nous savons pouvoir compter sur l’appui de tous les Présidents des exécutifs locaux, à commencer par Martine VASSAL, Présidente du Département, notre actionnaire majoritaire